Les Anglais misent sur Bayrou...
...comme de plus en plus de Francais d'ailleurs.
PRÉSIDENTIELLE • François Bayrou : monsieur “N’importe qui” à l’Elysée
Un bon conseil : courez dare-dare chez le bookmaker le plus proche et pariez tout ce que vous pouvez sur François Bayrou, car il sera le prochain président de la République française. Il s’agit certes d’un homme dont vous ne savez probablement pas grand-chose. Mais le pire, c’est que les bookmakers britanniques n’en savent sans doute pas beaucoup plus que vous et qu’ils refuseront certainement de prendre votre pari. Tant pis, c’est l’intention qui compte. En l’occurrence, la ferme intention d’oublier Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal pour vous résigner à un chef de l’Etat français encore moins charismatique que Gordon Brown, le prochain Premier ministre britannique.
Une petite explication s’impose : à en croire certains sondages, si Bayrou parvenait au second tour de l’élection présidentielle, il battrait son adversaire, quel qu’il (ou qu’elle) soit, et succéderait le 7 mai prochain à Jacques Chirac. Tout le problème du candidat de l’UDF consiste donc à trouver le moyen de passer le premier tour. Il y a peu encore, cela semblait impossible. Le second tour était promis à un duel serré entre Sarko et Ségo. Mais c’était avant que Ségolène Royal n’entre en phase d’autodestruction, sapant imprudemment le soutien qu’elle avait acquis dans l’opinion à l’époque grisante de son entrée dans la course.
La candidate du PS va avoir des difficultés à se remettre de l’enthousiasme modéré suscité par ses “cent propositions”, et de sa prestation télévisée du lundi 19 février sur TF1. C’est ici qu’intervient François Bayrou, qui, patiemment, attendait une occasion de ce genre. Son score dans les sondages d’opinion a progressé lentement mais sûrement. Et Bayrou est sur une courbe ascendante, contrairement à Ségolène Royal, et leur écart est loin d’être insurmontable. Sans compter que, si les sondages continuent d’annoncer une victoire facile de Sarkozy dans un duel contre Royal, j’imagine déjà les socialistes se ruer sur François Bayrou au premier tour pour s’assurer qu’il sera bien présent pour la confrontation finale du 6 mai et en mesure de gagner. Une autre enquête a d’ailleurs montré que 55 % des Français espéraient voir le président de l’UDF atteindre le second tour.
Il n’est certes pas très connu à l’étranger, mais il fait partie depuis longtemps de la scène politique française : il dirige aujourd’hui le troisième parti de l’Assemblée nationale, a été ministre de l’Education et s’est déjà présenté à l’élection présidentielle de 2002, où il a fini quatrième. Il a 55 ans, est issu d’une famille d’agriculteurs des Pyrénées, père de six enfants et auteur de plusieurs ouvrages, notamment sur l’histoire de France. Il se montre généralement posé (bien que ses discours aient pris dernièrement un ton plus emphatique), et son programme est digne d’intérêt, quoique ni très excitant ni très original. Il appelle à la formation d’un gouvernement d’union nationale, et c’est quand il fustige les élites politiques et les médias déconnectés des Français qu’il est le plus crédible.
Mais comment les Français pourraient-ils élire quelqu’un qu’ils jugent terne depuis si longtemps ? ça n’est pas bien compliqué à expliquer : tout simplement parce que la moitié du pays déteste Sarko et que l’autre ne peut pas encadrer Ségo – ou du moins ne la trouve pas faite pour la magistrature suprême. Autant dire que l’issue de cette élection sera largement déterminée par le principe du “N’importe qui sauf…”. Et je vous parie que ce “N’importe qui” s’appellera François Bayrou.
Marcel Berlins
The Guardian